Devoir de mise en garde du dirigeant qui se porte caution : évolution de la jurisprudence

30 Sep 2020

Une banque consent à une société un prêt, garanti par le cautionnement de son gérant.

La société emprunteuse est mise en liquidation judiciaire : la banque assigne le gérant en paiement du prêt en sa qualité de caution.

En défense, le gérant-caution oppose que la banque a manqué à son devoir de mise en garde à son égard, et demande des dommages-intérêts à ce titre.

Solutions antérieures de la Cour de cassation :

Rappelons que, jusqu’à présent, ce devoir de mise en garde n’était dû que s’il était démontré que le cautionnement présentait pour la caution un risque particulier d’endettement au regard de sa situation personnelle 

(En ce sens notamment : Cass. com., 13 sept. 2016, n° 15-11.130). 

En d’autres termes, lorsque l’opération de crédit était proportionnée aux ressources de l’emprunteur, la banque prêteuse n’était pas tenue à quelconque devoir de mise en garde envers la caution 

(Cass. com., 13 janv. 2015, n° 13-24.875).

 

Fort logiquement, la banque oppose donc à la caution qu’elle n’était pas tenue de quelconque devoir de mise en garde à l’égard du gérant-caution dès lors que les engagements n’étaient pas manifestement disproportionnés, à la date de leur conclusion, à ses revenus et patrimoine.

La Cour d’appel est sensible à cette argumentation, et déboute le gérant-caution de sa demande de dommages-intérêts contre la banque.

Réponse nouvelle de la Cour de cassation :

Dans un arrêt du 1er juillet 2020 (n° 18-24.435 et 18-24.436), la chambre commerciale de la Cour de cassation censure la Cour d’appel, et précise que :

” la banque est tenue, à l’égard de la caution non avertie, d’un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt et […] cette obligation n’est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus “

 

Sur la notion de “caution avertie”, rappelons que la Cour de cassation considère que la seule qualité de dirigeant et associé de la société emprunteuse ne suffit pas à établir que la caution était avertie (Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20216) et “qu’il appartient au crédit-bailleur [ou prêteur], lorsqu’il est tenu d’une obligation de mise en garde, de démontrer qu’il l’a exécutée, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé” (Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20216 ; Cass. com., 17 nov. 2009, n° 08-70197).

 

Cass. com. 1er juillet 2020, n° 18-24.435 et 18-24.436